Réglementation des vins désalcoolisés

Réglementation des vins désalcoolisés

De plus en plus présents, voire désormais incontournables, sur le marché des boissons, les vins no/low (no alcohol / low alcohol), vins totalement ou partiellement désalcoolisés, sortent du vide juridique dans lequel ils étaient pour l’instant de fait.

Avec le Règlement (UE) 2021/2117 du Parlement et du Conseil du 2 décembre 2021, le législateur européen est ainsi venu encadrer ce qu’il appelle les « produits de la vigne innovants », en modifiant notamment le Règlement (UE) 1308/2013 du 17 décembre 2013, dit « OCM ».

La Commission européenne a, pour sa part, publié l’avis C/2024/694, non contraignant, afin de donner son interprétation quant à la mise en œuvre des règles de l’UE relatives à la désalcoolisation des vins.

Le présent guide fait le point sur la réglementation applicable à ces nouvelles catégories de vin.

Qu’est-ce qu’un vin (partiellement) désalcoolisé ?

La définition légale des vins (partiellement) désalcoolisés est désormais légalement encadrée.

Première remarque : pour pouvoir appeler un produit « vin désalcoolisé » ou « vin partiellement désalcoolisé », il faut d’abord que ce produit réponde à la définition européenne de « vin ».

Autrement dit, ne peuvent revêtir le nom de « vins (partiellement) désalcoolisés » que les vins (au sens de la réglementation européenne) ayant subi un traitement de désalcoolisation après que le vin a atteint pleinement ses caractéristiques.

Donc :

  • Le vin de base doit répondre à toutes les caractéristiques d’une des catégories de produits de la vigne (Règlement OCM, annexe VII, partie II).
  • Ce vin doit subir au moins l’un des processus de désalcoolisation suivants pour réduire la teneur en éthanol : évaporation sous vide partielle, techniques membranaires ou distillation (Règlement OCM, annexe VIII, partie I, section E).
  • Le produit final doit afficher une teneur en alcool égale ou inférieure à 0,5 % vol., pour les vins désalcoolisés, et, pour les vins partiellement désalcoolisés, supérieure à 0,5 % vol. et inférieure à 8,5 % vol. (ou 9 % vol. dans certaines zones viticoles).

Le vin (partiellement) désalcoolisé doit impérativement avoir subi l’un des traitements de désalcoolisation autorisés, utilisé seul ou avec d’autres processus. Ne répondrait alors pas à cette condition le vin issu du coupage ou du mélange d’un vin totalement désalcoolisé avec un vin non désalcoolisé, le vin non désalcoolisé n’ayant, par définition, subi aucun traitement de désalcoolisation.

Il faut également veiller à ce que le processus de désalcoolisation n’entraîne pas de défauts organoleptiques. En outre, l’élimination de l’éthanol ne doit pas être effectuée conjointement à une augmentation de la teneur en sucre dans le moût de raisins.

Est-il possible de mettre en œuvre des pratiques œnologiques sur un vin (partiellement) désalcoolisé ?

Il est a priori tout à fait possible d’utiliser une pratique œnologique, après la désalcoolisation (par ex, édulcoration ou ajout de CO2).

Attention : les seules pratiques œnologiques autorisées sont celles prévues dans le Règlement (UE) 1308/2013 et le Règlement délégué (UE) 2019/934.

Un vin bénéficiant d’un signe de qualité peut-il être (partiellement) désalcoolisé et commercialisé sous ce signe ?

Première remarque : pour bénéficier d’une appellation d’origine contrôlée/protégée (AOC/AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP), le vin de base doit bien sûr en bénéficier.

Partant de là, la nouvelle réglementation distingue selon que l’on est en présence d’un vin totalement désalcoolisé ou d’un vin partiellement désalcoolisé.

Actuellement, les vins totalement désalcoolisés ne peuvent bénéficier d’une AOC/AOP ou d’une IGP. Le législateur européen a en effet estimé que, pour l’heure, la désalcoolisation totale ne permettait pas « la préservation des caractéristiques différenciatrices des vins de qualités qui sont protégés par une indication géographique ou une appellation d’origine » (Règlement 2021/2117, considérant 40).

Toutefois, la réglementation ouvre la voie à la commercialisation sous AOC/AOP ou IGP de vins partiellement désalcoolisés.

Néanmoins, la possibilité de la désalcoolisation doit dans ce cas être expressément prévue dans le cahier des charges de l’AOC/AOP ou IGP concernée (avec, on se doute, un encadrement des pratiques de désalcoolisation et une présentation des caractéristiques organoleptiques attendues de tels vins). Pour étendre des AOC/AOP et IGP à des vins partiellement désalcoolisés, il faudra donc attendre une modification des cahiers des charges.

Même dans ce cas, l’étiquetage d’une bouteille devra indiquer la mention « vin partiellement désalcoolisé » et ne pourra pas se contenter d’une mention de l’AOC/AOP ou IGP, contrairement aux vins n’ayant pas subi de désalcoolisation.

Que devra mentionner l’étiquetage d’un vin (partiellement) désalcoolisé ?

L’étiquetage d’un vin (partiellement) désalcoolisé devra contenir toutes les mentions obligatoires prévues pour l’étiquetage des vins.

Cela implique notamment que l’étiquetage devra bien indiquer le titre alcoométrique acquis, et ce même s’il est inférieur à 1,2 % vol.

La même tolérance que pour les vins non désalcoolisés s’applique, à savoir une différence maximale de 0,5 % vol. entre le titre alcoométrique indiqué sur l’étiquette et celui acquis déterminé par analyse.

Attention, néanmoins, concernant les vins totalement désalcoolisés : ceux-ci ne peuvent présenter un titre alcoométrique supérieur à 0,5 % vol. L’indication de 0,5 % vol. sur l’étiquette correspondrait donc toujours à un vin désalcoolisé, tandis qu’un vin partiellement désalcoolisé contenant plus de 0,5 % vol. et moins de 1 % vol. devrait toujours indiquer 1 % vol.

En outre, les mentions obligatoires supplémentaires suivantes devront apparaître :

  • la mention « désalcoolisé » ou « partiellement désalcoolisé » (dans le même champ visuel que les autres mentions obligatoires) ;
  • la date de durabilité minimale (pas obligatoirement dans le même champ visuel que les autres mentions obligatoires).

La Commission a indiqué sans plus de précisions que la fixation de la date de durabilité minimale relevait de la responsabilité de l’exploitant du secteur alimentaire (ici, du producteur du vin), en renvoyant, à titre indicatif, aux orientations données par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) disponibles sur ce lien.

La mention de la liste des ingrédients, de la déclaration nutritionnelle, de la mention concernant la désalcoolisation et de la date de durabilité minimale est obligatoire pour les vins produits à compter du 8 décembre 2023.

L’étiquetage des vins (partiellement) désalcoolisés pourra également indiquer les mentions facultatives prévues pour les vins non désalcoolisés (par ex, millésime, cépage, etc.).

Toutefois, comme pour les vins non désalcoolisés, l’étiquetage des vins (partiellement) désalcoolisés devra respecter les exigences du Règlement (UE) 1169/2011.

Ainsi, les mentions facultatives ne devront pas induire le consommateur en erreur, ne devront pas être ambiguës ou prêter à confusion et devront, le cas échéant, se fonder sur des données scientifiques pertinentes. Leur affichage ne devra pas se faire au détriment de l’espace disponible pour les informations obligatoires.

Attention, donc, à l’utilisation d’une mention du type « sans alcool ». Cette mention pourrait en effet être considérée comme trompeuse, si le vin présente plus de 0 % d’alcool.

Comment communiquer sur un vin (partiellement) désalcoolisé ?

En France, la communication sur les vins (partiellement) désalcoolisés est-elle soumise aux dispositions de la loi dite « Evin » ?

La loi « Evin » n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, codifiée notamment aux articles L. 3323-1 à L. 3323-6 du Code de la santé publique, encadre la publicité des boissons alcooliques.

Une telle publicité n’est autorisée que sous certaines conditions : canaux et supports de communication, contenu de la publicité, public visé, message sanitaire, mécénat et parrainage… tout est strictement encadré.

Le vin partiellement désalcoolisé comportant des traces d’alcool supérieures à 1,2 degré entre sans nul doute dans la catégorie des boissons alcooliques.

De manière générale, au vu de l’évolution récente de la réglementation européenne qui a étendu la définition légale du vin aux vins désalcoolisés, ces derniers pourraient entrer dans la définition de « boisson alcoolique », conformément à l’article L. 3321-1, 3°, du Code de la santé publique.

Et quand bien même il était considéré qu’un vin totalement désalcoolisé ne serait pas une boisson alcoolique, le champ d’application de la loi « Evin » est étendu aux publicités pour les produits autres que les boissons alcooliques qui rappellent une boisson alcoolique. Ce qui pourrait donc inclure les vins même totalement désalcoolisés, qui sont justement présentés comme du vin (donc une boisson alcoolique).

Prudence, donc, dans la communication autour des vins (partiellement) désalcoolisés. Il est conseillé de demander l’avis d’un avocat en droit du vin pour vérifier la conformité de la campagne envisagée.

Version au 22 janvier 2024 rédigée par Suzanne GIGNOUX, juriste. 

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