Le e-commerce dans un contexte international

Le e-commerce dans un contexte international

De plus en plus de professionnels du e-commerce vendent et proposent leurs services soit à l’étranger, soit depuis l’étranger, ce qui pose alors la question de la réglementation applicable.

Dans le présent guide, nous aborderons successivement deux situations : celle où la société qui commercialise des produits ou services sur internet se situe à l’étranger (dans un Etat de l’Union européenne ou dans un Etats tiers à l’UE) et souhaite vendre ses produits ou services en France (1) avant d’envisager la situation inverse (2).

1. Une société dont le siège est situé à l’étranger souhaite commercialiser par le biais d’un site internet ses produits ou services en France

La question principale qui se pose est de savoir si une société établie hors de France doit respecter le le droit français de la consommation.

Dans un contexte international, la première étape du raisonnement est de déterminer le texte applicable. Au cas soumis, nous nous réfèrerons au Règlement (CE) n°593/2008 dit Rome I.

Ce Règlement doit être lu en combinaison avec la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000. Cette directive a été transposée en France dans la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

Aux termes de l’article 14 de cette loi, « Le commerce électronique est l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ».

L’article 17 de cette loi prévoit que l’activité de commerce électronique « est soumise à la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie, sous réserve de la commune intention de cette personne et de celle à qui sont destinés les biens ou services ». Le texte renvoie ensuite s’agissant des consommateurs aux règles de conflit de lois idoines.

Il s’agit du Règlement Rome I qui contient les règles de conflit de lois en matière contractuelle. Si le Règlement offre par principe la possibilité de choisir la loi applicable à son contrat, cette liberté est limitée pour certains types de contrat considéré, par essence, comme déséquilibré.

Le contrat de consommation est donc soumis à des dispositions spécifiques.

Qu’est-ce qu’un contrat de consommation ?

Il s’agit d’un : « contrat conclu par une personne physique (ci-après « le consommateur »), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après « le professionnel »), agissant dans l'exercice de son activité professionnelle » (art. 6 de Rome I).

Quelle est la loi applicable à ce contrat de consommation lorsqu’aucun choix n’est stipulé dans les CGV ?

L’article 6 du Règlement Rome I prévoit que le contrat de consommation est régi par la loi de l’Etat de la résidence habituelle du consommateur lorsque le professionnel a sa résidence habituelle dans le même Etat ou lorsque, par tout moyen, il dirige son activité vers ce pays.

Autrement dit, une entreprise de e-commerce française n’a d’autres choix que de respecter le droit français lorsque le consommateur vit également en France.

Mais cela signifie surtout qu’une entreprise étrangère qui souhaite contracter avec des consommateurs résidant en France, et qui dirige son activité en ce sens, doit respecter intégralement les dispositions de la loi française.

Qu’est qu’une activité dirigée ?

La Cour de justice de l’Union européenne (Arrêt du 7 décembre 2010, « Pammer et Hotel Alpenhof », affaires n°C-585/08 et C-144/09 ; arrêt du 6 décembre 2012, « Mühlleitner », affaire n°C-190/11 ; arrêt du 17 octobre 2013, « Emrek », affaire n°C-218/12) a eu l’occasion de définir « l’activité dirigée ».

Ce critère s’apprécie en tenant compte de « toutes les expressions manifestes de la volonté de démarcher les consommateurs de cet Etat membre » (Arrêt « Pammer et Hotel Alpenhof » précité, §80 et s.). 

La Cour de justice énumère une série d’indices, ce incluant notamment :

  • la présence d’une mention selon laquelle le professionnel offre ses services dans un autre Etat membre ;
  • le référencement dans les moteurs de recherche ;
  • la nature de l’activité en cause ;
  • la mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication du préfixe international ;
  • le nom de domaine ;
  • la description d’itinéraires à partir d’un autre Etat membre ;
  • la mention d’une clientèle internationale ;
  • la langue.

La caractérisation de l’un ou l’autre de ces critères peut donc suffire à considérer que l’activité est dirigée vers la France.

La possibilité d’un choix de loi dans les CGV ?

L’article 6 du Règlement Rome I permet le choix de la loi applicable au contrat.

Cependant, lorsque l’activité du professionnel est dirigée vers la France, un tel choix ne peut avoir pour conséquence de priver le consommateur des dispositions d’ordre public de l’Etat de sa résidence habituelle.

Ce qui signifie que si un site de e-commerce est géré par une société de droit allemand qui vend des produits spécifiquement à une clientèle de Français, celui-ci doit respecter, pour vendre à un consommateur français, l’ensemble du droit de la consommation français.

Dans un contexte intra-européen, une telle obligation serait à nuancer dans la mesure où la majorité des dispositions du droit de la consommation est issue de directives européennes.

Ainsi, même si la protection n’est pas uniforme, elle est harmonisée entre les Etats membres de l’Union européenne, tout en soulignant que la France use généralement de la faculté d’aller au-delà du niveau de protection standard imposé par le droit européen.

La difficulté est plus complexe s’agissant d’un site de e-commerce géré au moyen d’une société dont le siège se trouve dans un Etat tiers à l’Union européenne. Dans ce cas, il faudra être particulièrement attentif au critère de l’« activité dirigée » telle que définie ci-dessus.  

2. Une société dont le siège est situé en France souhaite commercialiser par le biais d’un site internet ses produits ou services à l’étranger

La situation inverse à celle que nous venons de préciser appelle néanmoins l’application du même texte : le Règlement Rome I.

Le professionnel doit-il respecter le droit de la consommation français vis-à-vis des étrangers ?

En reprenant les éléments présentés dans la précédente hypothèse, la loi française et les dispositions d’ordre public du droit de la consommation doivent être respectées dès lors que le professionnel et le consommateur ont leur résidence habituelle dans la même Etat membre. Dans cette situation, nul besoin de s’intéresser au critère de l’action dirigée.

Faut-il respecter le droit de la consommation du pays où les produits et services sont commercialisés ?

Il convient de s’intéresser au critère de l’« action dirigée ».

En effet, entre Etats membres de l’Union européenne, la question de l’application du droit de la consommation du pays où réside le consommateur va se poser dès lors que le professionnel français aura dirigé son activité vers cet Etat.

Une société française qui vend des produits en Italie et qui cible clairement la clientèle italienne sur son site internet devra respecter les dispositions impératives protectrices du consommateur du droit italien.

S’agissant d’un commerce qui viserait des consommateurs résidant dans des Etats tiers à l’Union européenne (ex : Angleterre), ces derniers ayant toujours la faculté d’attraire le professionnel devant les juridictions de l’Etat de son siège social (cf. infra), il faut s’assurer de respecter également les dispositions du Règlement Rome I. En effet, l’application de ce texte est universelle : la loi qu’il désigne est applicable quand bien même il s’agit de celle d’un Etat tiers.

3. Quel est le juge compétent en cas de litige ?

Un dernier point doit être abordé, il s’agit de la question du juge compétent en cas de litige et la possibilité d’envisager une clause attributive de juridiction.

Pour cette question, le Règlement (UE) n°1215/2012 dit Bruxelles I bis est applicable, uniquement entre Etats membres de l’Union européenne. Il n’est pas possible de fonder la compétence d’un juge d’un Etat tiers de l’Union européenne selon ce texte.  

Lorsque l’action est intentée par le consommateur contre le professionnel, le consommateur a le choix de saisir les juridictions de l’Etat membre de domicile du cocontractant ou de saisir les juridictions de l’Etat membre de son domicile.

A l’inverse, le professionnel qui souhaite assigner le consommateur ne peut le faire que devant les juridictions de l’Etat membre du domicile du consommateur.

La possibilité d’une élection de for n’est ouverte qu’après la naissance du différend ou si le choix de la juridiction est favorable au consommateur en lui offrant un for supplémentaire.

Version au 5 janvier 2024 rédigée par Marie STERVINOU. 

Contacter Foster Avocats Lyon

Tél : 04 83 43 70 40 - Mail : contact@foster-avocats-lyon.com  

*Champs obligatoires